La thèse de Fiona OTTAVIANI étudie et questionne les indicateurs, et propose des indicateurs alternatifs (IBEST). Dans cet article, nous allons revenir sur les idées principales de sa thèse et la pertinence de la remise en question des indicateurs existants. 

1. Comprendre l’objet “indicateur”

1.1. Les différentes dimensions des indicateurs 

Les indicateurs sont avant tout des outils de connaissances: ils nous donnent des informations. Ils permettent de rapporter à une valeur simple des phénomènes complexes à l’origine, d’étudier des phénomènes dans le temps et dans l’espace et de faire des comparaisons. 

Cependant, nous ne mesurons jamais l’objet lui-même mais des qualités de l’objet. Ce qui fait des indicateurs des outils de convention. Ils ne sont donc pas innés, ils n’existent pas en soi, ils sont construits en fonction de conventions et de constructions sociales. 

Par conséquent, les indicateurs ne font pas que refléter le monde, mais le transforment. Les indicateurs orientent le regard et donnent une sorte de matérialité et une  importance supplémentaire à certains objets au détriment d’autres. Ce sont des constructions techniques, statistiques et scientifiques.  

Ce sont aussi des outils politiques, de sciences, de gouvernement et de coordination. Ils permettent de prendre et de justifier des décisions, notamment parce que les chiffres permettent de légitimer les prises de décisions. Par conséquent, les indicateurs ne font pas qu’éclairer la réalité, mais participent à son institution, sa construction et à son appréciation. 

1.2. Légitimité et puissance des indicateurs 

Ils ont gagné leur légitimité grâce à un cercle vertueux entre le monde scientifique et le monde politique et de lourds investissements scientifiques et politiques. 

Aussi, les indicateurs ont pris de l’ampleur avec l’émergence de l’Etat néo-liberal qui corrélée à une production massive de données statistiques et une utilisation de plus en plus importante de celles-ci dans les processus de décision. Les indicateurs sont montés en puissance grâce à la multiplication et à la décentralisation des centres de décisions, devenant un outil pertinent pour la délégation, la prise et le suivi de décision. 

2. Limites et enjeux des indicateurs pour définir le bien-être

2.1. Enjeux des indicateurs en politique

Grâce aux dynamiques mises en avant ci-dessus et à la notion de neutralité derrière les chiffres, les indicateurs ont réussi à se positionner comme des outils neutres alors qu’ils ne le sont pas. 

En politique, ils permettent de déléguer la prise de décision à des experts qui savent manier les instruments de quantification. Les indicateurs dédouanent les acteurs de toute nécessité de justification à partir du moment où le « chiffre parle de lui-même » et tend à accréditer l’idée qu’il n’y a pas d’alternatives à rechercher hors du cadre néolibéral.

2.2. Les indicateurs en économie: glissement entre bonheur et bien-être

En économie, les indicateurs servent à mesurer le bien-être, et par glissement le bonheur des individus. En effet, dans ce domaine, chaque agent maximise son bonheur et par conséquent, cela maximise le bonheur collectif. Il est important de noter cette substitution de termes (de “bonheur” à “bien-être”), puisque cette définition de bonheur nous amène alors à penser le revenu comme une bonne approximation du bien-être et donc du bonheur. 

Cependant, cette façon de penser le bonheur ne survit pas au paradoxe d’Easterlin. (paradoxe économique selon lequel, au-delà d’un certain seuil, la poursuite de la hausse du revenu ou du produit intérieur brut par habitant ne se traduit pas nécessairement par une hausse du niveau de bonheur individuel déclaré par les individus).

2.3. Alternatives pour définir le bien-être 

 Il existe des alternatives à la définition du bien-être, telle que la théorie de Rawls et la recherche de la justice.  Rawls énonce ainsi ses deux premiers principes de justice :

  • “Chaque personne doit avoir un droit égal au système total le plus étendu de libertés de base égales pour tous, compatible avec un même système pour tous.”
  • “Les inégalités économiques et sociales doivent être telles qu’elles soient : (a) au plus grand bénéfice des plus désavantagés et (b) attachées à des fonctions et des positions ouvertes à tous, conformément au principe de la juste égalité des chances.”

Il existe aussi la théorie des capabilités de Sen: théorie qui considère la pauvreté au-delà des seuls aspects monétaires et à la pensée en termes de libertés d’action, de capacités à faire. Lire la suite de l’article.

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